DAUGHTER, le trio britannique qui pique en plein coeur 
Voilà près de 12 ans que ce groupe aux allures aussi timides qu’écorchées vive rayonne dans le paysage musical international. Tout droit venu de Londres, ce trio vise particulièrement juste, en mêlant des écrits poétiques, d’une sincérité inestimable avec des sonorités folk, indie, oscillant entre la dream pop et l’électronique. Dans la définition de leur style de prédilection, on retrouve le “shoegazing”, une sous-catégorie du rock alternatif qui émerge dans la fin des années 80 au Royaume-Uni. Un terme qui illustre à merveille la discographie du trio, puisqu’il inspire une certaine introspection dans la manière de produire de la musique, sur scène ou ailleurs. De par la saturation lointaine, voire amorphe des guitares guidées par des pédales d’effet, ils nous invitent à plonger dans les souffrances des événements passés, qui hurlent encore, au fond des corps brisés.
Daughter, c’est avant tout Elena Tonra, la fondatrice du groupe. C’est avec elle que tout a pris forme, et ce, depuis son plus jeune âge. D’origine irlando-italienne, elle évolue à Northwood (Londres) et se laisse bercer par les influences de son grand-père qui la familiarise avec la musique traditionnelle irlandaise. En grandissant, elle développe ses propres goûts musicaux et découvre l’album Grace de Jeff Buckley, qui, à l’avenir, marquera la direction de ses morceaux. Victime de harcèlement scolaire, Tonra se met à écrire en déversant ses souffrances à travers des lignes, et des accords de guitare, afin d’en apaiser le cours de sa vie. Depuis, elle a élu comme ligne conductrice, l’expression de toutes les choses difficiles que chaque individu est amené à rencontrer au cours de son existence. 
Des années plus tard, lors de ses études au sein de l’Institute Of Contemporary Music Performance, elle rencontre Igor Haefeli, guitariste, qui deviendra le deuxième membre du groupe. Ensemble, ils enregistrent leur premier EP, His Young Heart, une démo autoproduite dans le dortoir de ce dernier en avril 2011. Le second, The Wild Youth suivra quelques mois plus tard avec une signature sur le label indépendant Communion Records. Puis rapidement le duo s’agrandit, et accueille Rémi Aguilella, qui endosse la mission du rythme des morceaux à la batterie. En 2012, la carrière du groupe prend un tournant en intégrant 4AD, une maison de disques anglaise qui porte également sous son aile la néo-zélandaise Aldous Harding, et les américains de The National. Deux autres noms qui produisent des morceaux en suivant une route similaire, poignante et accrocheuse, tant par les textes que par leur musicalité. 
C’est en 2013 que Daughter se fait bousculer par la vague d’un succès fulgurant dès la sortie d’If you leave, leur premier album, qui cette année, fête ses 10 ans déjà ! Le titre Youth (dont la première version figure sur le deuxième EP) sera un carton rayonnant, notamment grâce à sa diffusion dans de nombreuses séries comme Grey’s Anatomy, Locke and Key, Arrow, ou encore Lovesick. 
Après avoir joué ce premier long format en sillonnant la planète et ses moindres petits recoins de terre, le groupe se lance dans l’écriture du second en 2015. Not To Disappear verra le jour 2016, et sera suivi d’un autre format l’année suivante, avec la création de la bande originale du jeu vidéo Life is Strange : Before The Storm en 2017. 
Les thèmes abordés à l’intérieur de ces différents supports (EP et Albums) sont multiples, mais ils ont tous un point commun : la tristesse. La chanteuse, comme décrit un peu plus haut, raconte ce qui lui fait mal, au gré des aventures qu’elle expérimente, dans le but de se relever en instaurant, tant bien que mal, un retour au calme. Les tout premiers morceaux nous content les premiers émois amoureux, ainsi que leurs lots de malheurs comme la perte d’une virginité pas vraiment consentie. Néanmoins, lorsqu’elle prononce des paroles similaires à celles d’un témoignage sur les violences sexuelles, on peut facilement se laisser porter par des accords majeurs, qui ramènent automatiquement une forme de douceur et d’apaisement. 
Les histoires d’amour, et déboires sentimentaux représentent le noyau dur de l’univers du groupe. Chaque rupture possède son lot de chansons, et se présente telles des minis psychanalyses qui décortiquent des détails qui ont pu être problématiques. Daughter aborde aussi bien l’ambiance d’une relation toxique qui peut détruire le cours d’une vie, que le couple qui continue en sachant pertinemment qu’il n’y a plus aucun meuble à sauver. La solitude, et le sentiment de lassitude des relations nombreuses et superficielles sont des sujets qui prennent une place importante, notamment dans le 2ème album. La notion d’adaptation à l’autre, en déployant tous les moyens pour correspondre à ses attentes, besoins et envies, quitte à prendre le risque de s’oublier totalement peut s’inviter en créant un écho au creux de chacun d’entre nous.
Dans ses textes, Tonra prend le soin d’évoquer des solutions comme les voies médicamenteuses, mais aussi l’issue de l’alcoolisme. Toutes deux transmettent l’idée de se brûler de l’intérieur pour tenter de guérir. Si celles-ci ne font que brasser les pensées noires qui s’interposent face à cette ambition de vouloir aller de l’avant, Daughter garde pour marque de fabrique l’ajout d’une bonne dose de biafine, contre-balançant musicalement les textes avec des riffs de guitare tendres et réconfortants. 
Après une pause de 6 ans, et le lancement d’un projet solo pour la chanteuse sous le nom d’Ex:Re, le groupe revient avec un 4ème album fraîchement sorti le 7 avril 2023. À la suite d’une rencontre impactante pour la fondatrice lors d’un moment passé à San Diego (Californie), elle se remet à écrire, certes, sur une séparation. Mais cette fois-ci, tout est différent. Les messages sont porteurs d’espoir, malgré la distance représentée par les seuls responsables : des milliers de kilomètres, et mètres cubes d’eau salée. Dans Stéreo Mind Game, le dernier opus du groupe, on s’oriente vers la nostalgie des souvenirs, en ayant conscience d’avoir assez explorer les bas-fonds des cicatrices du passé. Be on your Way, le single de lancement montre que la vie continue, même chacun de son côté, traçant sa route, comme on le souhaite sincèrement.
Daughter, c’est l’un de ces groupes qui reste fidèle à ses débuts, à sa ligne de départ. Reconnaissable parmi n’importe quelle playlist, l’identité des morceaux garde une singularité indéniable et inimitable. L’évolution est palpable dans la couleur musicale, à laquelle s’ajoutent des touches électro bidouillées de manière encore plus travaillée, aussi subtiles qu’omniprésentes. Toujours dans une optique de transmettre l’ampleur des thèmes abordés, en surfant éternellement sur une énergie de douceur, il est sûr et même certain que personne, oh grand, personne, sans exception, ne sort indemne de la discographie du trio britannique.
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