Article écrit pour le concours d’entrée à l’école Narratiiv
Professeure poignardée par un élève à Saint Jean de Luz Comment la fragilité et le harcèlement mènent au passage à l’acte
Le 22 février dernier, à 9h45, la vie d’Agnès Lassalle basculait, recevant le coup de grâce d’un élève dans sa salle de cours. La vie du jeune a elle aussi été bouleversée par ce passage à l’acte. Les conséquences directes d’un harcèlement, malheureusement trop souvent minimisées ?
Lors de sa garde à vue, le jeune âgé de 16 ans suspecté d’avoir donné la mort à sa professeure d’espagnol en plein cours au collège-lycée Saint Thomas d’Aquin, a évoqué son passif de harcelé durant ses années de collège aux enquêteurs. Un épisode de sa vie qui l’aurait particulièrement affecté, faisant la suite d’une tentative de suicide médicamenteuse quelques mois plus tard, en octobre 2022.
Œuvrant avec un couteau soigneusement dissimulé dans un rouleau de sopalin, l’élève de seconde s’est levé quelques minutes plus tôt, de manière calme et assurée, s’apprêtant à commettre un acte qui va changer le cours de son existence tout jamais. Précautionneux dans sa démarche, il ferme la porte à clef et se dirige vers sa professeure pour finalement lever son bras droit au-dessus de sa tête, et lui planter une lame de 18cm au niveau du sternum. Un geste que les témoins de la scène racontent en utilisant les termes “rapide” “fluide” et “sans hésitation”.
L’enseignante qui apparaissait comme “extrêmement investie”, “rayonnante dans son travail”, “unanimement appréciée” par ses élèves et perçue comme une “très bonne personne”, “digne” et “courageuse” par son compagnon, a donc succombé à cette blessure qui lui a été “nécessairement fatale”.
Influencé depuis la veille par la “petite voix” d’un “être égoïste, égocentrique et manipulateur” qui résonnait dans sa tête, l’encourageant à “faire le mal” et à “commettre un assassinat”, l’adolescent avait pris un couteau trouvé dans la cuisine de son père pour le ranger dans le sac qu’il emporterait le lendemain, en cours d’espagnol.
Un élève décrit comme “travailleur” et “intelligent”, et ce, malgré ses troubles dysorthographiques et dysgraphiques, au bulletin scolaire brillant, quasiment dans toutes les matières, sauf en langue espagnole. Un échec pas si anodin. Celui-ci aurait développé une “animosité” envers sa professeure, mais comme le précise Sofia, une ancienne camarade de collège, même s’il était “parfois arrogant ou colérique” et qu’il “n’appréciait pas vraiment se faire reprendre par ses profs quand il donnait une mauvaise réponse, il restait gentil avec les enseignants”. Visiblement “inconnu des services de police, d’assistance éducative, et de l’aide sociale à l’enfance” selon les informations rapportées par le Procureur de la République de Bayonne, il est dit du jeune homme qu’il serait de nature “solitaire” n’ayant que “2 ou 3 amis, pas plus” et plutôt “maladroit dans sa communication avec autrui”. 
À la suite du drame, et durant son audition auprès des forces de l’ordre, il se confie sur des faits de harcèlement dont il aurait été la cible pendant ses années scolaires précédentes, sans avoir fait l’objet d’un dépôt de plainte. Cependant, l’adolescent a, par la suite, été très affecté par ces événements, lui causant l’apparition d’une forme d’anxiété réactionnelle qui perturberait le discernement, de troubles dépressifs, et de pensées suicidaires. Depuis, il se faisait suivre par un psychiatre, et prenait des antidépresseurs.
Une histoire tragique qui pourrait, à quelques détails près, faire écho à l’affaire du jeune vosgien, Lucas, qui mettait un terme à ses jours à la toute fin du mois de janvier. Pour rappel, le garçon était visé par des situations discriminatoires violentes contre son homosexualité. Le point commun entre ces deux garçons ? Le motif du harcèlement scolaire, qui relève toutefois la dimension d’une différence qui dérange, et que l’on pointe du doigt. Comme si l’orientation sexuelle de l’un et les traits de personnalité de l’autre ne rentraient pas dans les attendus des normes de la société.
Des cas de figure créateurs de mal-être et de détresses psychologiques qui peuvent pousser des individus à commettre le pire, voire l’irréparable. Dans le récit de l’élève de seconde du collège-lycée Saint Thomas d’Aquin, on pourrait supposer qu’à travers son état d’esprit travailleur et soucieux des résultats inscrits sur son relevé de notes, il chercherait à faire un carton plein, projetant une réussite qui le rendrait irréprochable. Une sorte de quête vers une place où il serait enfin accepté, tel qu’il est. Or, ses mauvais résultats en espagnol auraient été une entrave à son succès.
Il n’est donc pas question de tirer des conclusions hâtives, car des zones d’ombres planent encore dans l’affaire du meurtre d’Agnès Lassale. Néanmoins, si la piste du harcèlement vécu par celui-ci devenait une explication plausible, elle ne serait, en aucun cas, une excuse face à cet homicide. Sans oublier cette petite voix malsaine qui serait venue compromettre les idées lucides du jeune homme, et qui suscite beaucoup d’interrogation dans cette affaire. Tout en précisant qu’aucune défaillance psychiatrique n’aurait été décelée lors de l’examen médical effectué lors de sa garde à vue. Ce qui a vivement fait réagir son avocat, Thierry Sagardoytho, rappelant que son client s’exprimait auprès de lui “à la 3ème personne” le soupçonnant de souffrir d’une potentielle dissociation de personnalité. L’élève a également affirmé “ne pas être l’auteur conscient et lucide de ce drame”.
Depuis vendredi, il a été mis en examen pour “assassinat” et placé en détention provisoire, déclaré “accessible à une responsabilité pénale sous réserve des expertises qui devront être ordonnées et d’une possible altération de son discernement » par le Procureur de la République de Bayonne.
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